Dans une déclaration récente du député béninois Armand Gansè , le débat sur les relations amoureuses non abouties au Bénin est relancé. Selon l’élu, de nombreuses femmes vivent des fiançailles interminables, souvent pleines de promesses non tenues, qui finissent par laisser derrière elles des cœurs brisés et des vies suspendues. Pour mettre fin à ce qu’il qualifie d’« abus émotionnel », le député propose d’encadrer légalement la durée des fiançailles.
« Combien de femmes restent engagées dans des relations sans avenir, nourries d’espoirs qui ne se concrétisent jamais ? », a-t-il lancé, dénonçant le comportement de certains hommes qui, après des années de promesses, tournent le dos à leurs fiancées sans explication, ni engagement définitif.
Une initiative inédite et controversée
Si cette proposition peut surprendre, elle révèle un malaise bien réel dans les relations modernes au Bénin. Dans plusieurs milieux, notamment urbains, les fiançailles durent parfois cinq, dix voire quinze ans, sans déboucher sur un mariage. Pendant ce temps, la femme reste socialement “indisponible”, ne s’engageant dans aucune autre relation, parfois au prix de son âge de procréation et de son avenir.
Le député Gansè entend ainsi ouvrir un chantier législatif inédit. Son objectif serait de fixer une durée maximale aux fiançailles — au-delà de laquelle les partenaires devraient soit se marier, soit mettre un terme à leur engagement.
Une idée qui fait déjà réagir. Si certains saluent l’intention de protéger les femmes contre les promesses creuses, d’autres y voient une intrusion de l’État dans la vie privée et affective des citoyens.
Entre coutume, religion et droit : un terrain délicat
La proposition du député touche à une question profondément ancrée dans les pratiques sociales, culturelles et religieuses. Dans de nombreuses familles béninoises, les fiançailles ne sont pas que symboliques : elles impliquent des négociations entre familles, des dots, des rites traditionnels, voire des implications religieuses fortes. Y introduire une contrainte légale risque de soulever des tensions, notamment dans les milieux conservateurs.
Par ailleurs, les spécialistes du droit de la famille rappellent que les fiançailles ne sont pas formellement encadrées dans le Code civil béninois. Elles relèvent souvent d’un contrat moral et social plus que juridique. Une législation sur leur durée poserait donc des défis d’application et de preuve.
Une question de justice émotionnelle et de genre
Derrière cette proposition se cache aussi une question de justice sociale et de genre. En effet, les femmes sortent souvent lésées de ces longues attentes. Certaines abandonnent des opportunités professionnelles, sociales ou personnelles, convaincues qu’elles vont bientôt fonder un foyer. Lorsqu’elles sont finalement abandonnées, elles se retrouvent dans une impasse émotionnelle et parfois stigmatisées.
Pour d’autres observateurs, cette idée pourrait ouvrir un débat plus large sur les droits affectifs des femmes et sur la nécessité d’encadrer certaines formes d’engagements privés qui ont des conséquences publiques (grossesses non planifiées, cohabitation, etc.).
Vers des consultations nationales ?
Face à l’ampleur du débat que pourrait susciter une telle loi, le député Gansè envisage, selon nos sources, de mener des consultations nationales, notamment auprès des femmes, des leaders religieux et traditionnels, ainsi que des spécialistes du droit et des associations de défense des droits humains. L’idée serait de construire une proposition législative équilibrée, qui tient compte à la fois de la réalité culturelle du pays et des impératifs de justice émotionnelle.
En attendant, sa sortie publique a déjà le mérite de mettre en lumière une souffrance longtemps tue : celle de milliers de femmes fiancées à des hommes qui ne deviennent jamais maris.