Le parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) traverse une période de turbulences internes autour de la gestion de l’Assemblée nationale. Au cœur des préoccupations, la controverse sur l’acquisition de véhicules parlementaires a déclenché un débat public qui révèle des fractures au sein de la formation politique dirigée par Ousmane Sonko.
Fadilou Keïta prend la défense d’El Malick Ndiaye
Face aux critiques visant le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, le responsable politique Fadilou Keïta a choisi de sortir du silence pour défendre publiquement son collègue. Dans une déclaration ferme et sans équivoque, il a contesté la véracité des accusations portées contre le dirigeant de l’institution parlementaire.
“Il parlera en temps opportun, mais je sais qu’on l’accuse à tort. Tout ce qu’on dit sur lui est faux. Le jour où il s’exprimera, ils comprendront. Je leur demande de faire très attention et de respecter les gens. El Malick Ndiaye est quelqu’un de très sérieux. Je connais certains éléments de ce dossier, et c’est pourquoi je les invite à être prudents”, a déclaré Fadilou Keïta, adoptant un ton à la fois protecteur et ferme.
Cette intervention témoigne d’une volonté de protéger l’image du président de l’Assemblée nationale, tout en promettant des clarifications futures sur les questions soulevées. Keïta fait également appel au respect et à la prudence de ses détracteurs, suggérant que des informations importantes n’ont pas encore été rendues publiques.
Guy Marius Sagna dénonce les dérives parlementaires
Cette défense intervient en réaction aux critiques formulées par le député Guy Marius Sagna, figure connue pour ses positions tranchées et son engagement en faveur de la transparence. Dans un long texte diffusé sur Facebook, ce dernier a dressé un réquisitoire sévère contre plusieurs pratiques qu’il observe au sein de l’Assemblée nationale.
Le parlementaire pointe du doigt une série de dysfonctionnements qu’il considère comme incompatibles avec l’idéologie du Pastef et la promesse de rupture portée par le nouveau régime. Parmi les pratiques dénoncées figurent la distribution de “Sukëru koor” aux députés, une pratique traditionnelle de gratification qui soulève des questions d’éthique politique dans le contexte actuel de volonté de changement.
L’octroi de billets de pèlerinage aux parlementaires constitue un autre point de contestation soulevé par Guy Marius Sagna. Cette pratique, courante dans les institutions sénégalaises, est remise en question dans sa légitimité et son opportunité, notamment au regard des ressources publiques qu’elle mobilise.
Des financements opaques remis en question
Au-delà de ces pratiques symboliques, le député s’attaque également à des questions plus substantielles concernant la gestion financière de l’institution. Il dénonce notamment des financements non justifiés alloués aux groupes parlementaires, soulevant des interrogations sur la transparence dans l’attribution et l’utilisation de ces fonds pubblics.
La question de l’achat de véhicules de fonction fait également l’objet de critiques, Guy Marius Sagna regrettant un manque de transparence dans cette procédure d’acquisition. Cette préoccupation s’inscrit dans un contexte plus large de questionnement sur l’usage des deniers publics et la nécessité d’une gestion exemplaire des ressources de l’État.
Un appel à l’alignement sur les valeurs du parti
En rappelant que “ces pratiques ne sont pas celles de PASTEF”, Guy Marius Sagna entend alerter ses collègues sur l’importance de maintenir la cohérence entre les valeurs prônées par le parti et les comportements observés dans l’exercice du pouvoir. Cette interpellation vise à susciter une prise de conscience collective et à réclamer un changement en profondeur des habitudes parlementaires.
Cette démarche s’inscrit dans la logique de rupture revendiquée par le Pastef, qui a construit une partie de sa légitimité politique sur la promesse d’une gouvernance différente, plus transparente et plus proche des préoccupations populaires. Le député semble ainsi jouer le rôle de gardien de cette promesse électorale.
Des tensions révélatrices des défis de l’exercice du pouvoir
Ce débat public expose des divergences significatives au sein de la majorité parlementaire, révélant les difficultés inhérentes à la transition entre opposition et exercice du pouvoir. Alors que le parti de Ousmane Sonko a bâti sa réputation sur l’exemplarité et la critique des pratiques politiques traditionnelles, il se trouve confronté aux réalités institutionnelles et aux tentations du pouvoir.
Ces tensions internes illustrent également les défis de la transformation des institutions publiques. Le passage de la posture contestataire à la responsabilité gouvernementale nécessite des ajustements qui ne font pas toujours l’unanimité au sein des formations politiques, même les plus disciplinées.
Cette controverse sur les pratiques parlementaires pourrait constituer un test important pour la capacité du Pastef à maintenir sa cohésion interne tout en respectant ses engagements de campagne. La manière dont ces divergences seront gérées et résolues donnera des indications précieuses sur la maturité politique de cette formation et sa capacité à incarner durablement le changement promis aux électeurs sénégalais.
L’issue de ce débat interne déterminera également l’image publique du parti et sa crédibilité dans la mise en œuvre de sa promesse de rupture avec les pratiques politiques antérieures.