Le 3 avril 2025, le Président béninois Patrice Talon a officiellement promulgué la loi n° 2025-9 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. Cette nouvelle législation, adoptée par l’Assemblée nationale le 13 mars dernier, établit pour la première fois un cadre légal complet régissant le fonctionnement des autorités traditionnelles dans le pays.
Structure et reconnaissance officielle
La loi comprend 47 articles répartis en 6 titres qui organisent minutieusement le paysage de la chefferie traditionnelle au Bénin. Elle reconnaît officiellement:
- 16 royaumes (chefferies centralisées)
- 80 chefferies supérieures (structures peu centralisées)
- 10 chefferies coutumières (structures non centralisées)
Au total, ce sont donc 106 entités traditionnelles qui obtiennent une reconnaissance légale. Les responsables traditionnels dont la chefferie n’apparaît pas dans cette liste seront désormais désignés comme “chefs communautaires”, selon l’article 8 du texte.
Missions et responsabilités des chefs traditionnels
Le texte définit clairement les attributions des autorités traditionnelles reconnues. Celles-ci incluent notamment:
- La contribution à la vulgarisation des textes législatifs et réglementaires
- La collaboration avec les autorités publiques pour garantir la sécurité et le bien-être des populations locales
- La promotion active des langues locales béninoises à travers les contes, légendes, chants, danses et proverbes
- Le soutien aux initiatives d’alphabétisation dans leur zone d’influence
Processus de désignation et reconnaissance officielle
La loi encadre strictement le processus de désignation des autorités traditionnelles:
- Un conseil de désignation sélectionne les candidats selon des critères précis de dévolution du pouvoir traditionnel (articles 13 et 14)
- L’intronisation ou l’installation est ensuite constatée par un arrêté conjoint du ministre de la Culture et du ministre de l’Intérieur
- Cet arrêté ministériel vaut acte de reconnaissance officielle (article 12, alinéa 5)
La législation met ainsi fin aux auto-proclamations et clarifie qui peut légitimement porter les titres de roi, chef supérieur ou chef coutumier.
Séparation entre autorité traditionnelle et politique
Un aspect fondamental de cette loi est la séparation nette établie entre autorité traditionnelle et engagement politique:
- Les chefs traditionnels ne peuvent être membres d’aucun parti politique (article 17, alinéa 2)
- Ils doivent observer des principes de neutralité, d’impartialité, de réserve et de transparence (article 28)
- Les chefs traditionnels déjà membres d’un parti politique disposent d’un délai de trois mois pour se conformer à la nouvelle réglementation
- Cependant, ceux exerçant un mandat électif national ou local peuvent conserver leur statut jusqu’à l’expiration dudit mandat
Soutien financier et positionnement institutionnel
La loi prévoit que l’État peut accorder une allocation financière aux chefs traditionnels (article 33, alinéa 2), reconnaissant ainsi leur importance sociale et culturelle. Toutefois, le texte précise clairement que ce soutien ne transforme pas les chefferies traditionnelles en:
- Structures administratives
- Prestataires de services de l’État
Cette disposition (article 10) préserve l’essence culturelle et sociale de la chefferie traditionnelle.
Sanctions prévues
En cas de non-respect des obligations, notamment concernant la neutralité politique, la loi prévoit des sanctions graduées (article 40):
- L’avertissement
- La suspension
- Le retrait de l’acte de reconnaissance
Une ambition d’équilibre
Cette nouvelle législation témoigne d’une volonté d’établir un équilibre entre la valorisation du patrimoine culturel béninois incarné par la chefferie traditionnelle et la nécessité de prévenir l’instrumentalisation politique de ces institutions. La loi reconnaît l’importance historique et culturelle des autorités traditionnelles tout en les intégrant harmonieusement dans l’architecture institutionnelle moderne de la République du Bénin.
Voici le texte complet
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