Au Niger, une nouvelle étape symbolique et politique vient d’être franchie dans le processus de refondation engagé par les autorités issues du coup d’État du 26 juillet 2023. Le décret de promulgation de la Charte de la refondation a été officiellement publié la semaine dernière au Journal Officiel. Ce texte, basé sur les recommandations des assises nationales de février, a été validé par le général Abdourahamane Tiani lors d’une cérémonie solennelle à Niamey, le 26 mars. Il remplace désormais la Constitution suspendue après la prise de pouvoir militaire.
Parmi les changements majeurs introduits par cette charte figure une redéfinition du paysage linguistique national. L’article 12 ne fait plus du français une langue officielle. Désormais, le français est rétrogradé au statut de langue de travail, sans aucune mention de langue officielle dans le texte. À la place, la charte énumère onze langues parlées au Niger et érige le haoussa en langue nationale. Le haoussa, parlé par une majorité de la population sur l’ensemble du territoire, devance nettement le zarma-songhaï, langue dominante dans l’ouest du pays et utilisée par environ un quart des Nigériens.
Jusqu’ici, la Constitution reconnaissait toutes les langues des communautés nigériennes comme nationales, en mettant le français au sommet, avec le statut de langue officielle, bien que seulement 13 % de la population le maîtrise. Ce changement intervient dans un contexte de rupture diplomatique avec la France, matérialisé par le retrait du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie le mois dernier et le changement de noms de plusieurs rues de Niamey autrefois baptisées en hommage à des personnalités françaises.
Cette réforme linguistique soulève néanmoins des interrogations. Sur les réseaux sociaux, plusieurs Nigériens s’inquiètent d’un risque de hiérarchisation entre les langues nationales, ce qui pourrait favoriser des tensions communautaires, alors que l’unité linguistique du pays reposait jusque-là sur une reconnaissance égalitaire de ses nombreuses langues.
Reste à voir comment cette refonte identitaire se traduira concrètement dans les sphères administratives, éducatives et politiques.