Au Sénégal, la tension politique entre l’exécutif et le législatif atteint de nouveaux sommets. Le bras de fer entre le camp du président Bassirou Diomaye Faye et l’opposition, majoritaire à l’Assemblée nationale, s’intensifie à mesure que les deux camps tentent de renforcer leurs positions avant de possibles élections anticipées. La crise politique, alimentée par des divergences profondes sur la gestion des institutions du pays, s’envenime avec la menace d’une motion de censure, la stratégie défensive de l’exécutif, et l’éventualité d’une dissolution imminente de l’Assemblée.
L’offensive de l’opposition : une motion de censure pour faire chuter le gouvernement
L’opposition, toujours majoritaire à l’Assemblée nationale depuis les dernières élections législatives, a décidé de jouer sa carte la plus forte en déposant une motion de censure. Ce mécanisme parlementaire vise à renverser le gouvernement en place et affaiblir ainsi le président Bassirou Diomaye Faye, dont le parti n’a plus la majorité dans l’hémicycle. Ce mouvement est également une réponse directe à la volonté du gouvernement de supprimer deux institutions jugées trop coûteuses, une initiative vivement contestée par l’opposition.
Les deux institutions en question, à savoir le Haut Conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique et social, sont accusées de représenter un fardeau pour le budget de l’État. Pourtant, malgré les critiques, ces organes jouent un rôle consultatif et symbolique important dans l’équilibre institutionnel du Sénégal. Pour l’opposition, les supprimer serait non seulement un affront aux institutions, mais aussi une démonstration de l’autoritarisme croissant du président Faye.
La riposte de l’exécutif : session extraordinaire et manœuvre constitutionnelle
Face à cette menace de motion de censure, l’exécutif a rapidement contre-attaqué en utilisant un mécanisme constitutionnel pour éviter que cette motion ne soit débattue. En effet, selon l’article 84 de la Constitution sénégalaise, le président de la République dispose d’un droit de priorité pour inscrire les projets de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est exactement ce qu’a fait le président Faye ce mercredi 4 septembre en demandant l’ouverture d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale.
L’objectif de cette session : détourner l’attention de la motion de censure et imposer l’examen de divers projets de loi, reléguant ainsi la motion de censure au second plan. Cette manœuvre, bien que légale, a été perçue par l’opposition comme un coup de force politique visant à court-circuiter le débat démocratique. En effet, la motion de censure, censée être discutée durant la session parlementaire, n’a pas été incluse dans l’ordre du jour fixé par l’exécutif, rendant son examen impossible dans l’immédiat.
La dissolution de l’Assemblée en ligne de mire
Cette confrontation pourrait connaître un dénouement dramatique dans les jours à venir. En effet, l’éventualité d’une dissolution de l’Assemblée nationale est de plus en plus évoquée. Le président Bassirou Diomaye Faye dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée si le climat politique devient ingérable, et cela pourrait survenir dès le 12 septembre 2024. Une telle décision plongerait le pays dans une nouvelle crise politique, précipitant des élections législatives anticipées.
Pour l’opposition, une dissolution pourrait également représenter une occasion de rebattre les cartes et de consolider son emprise sur l’appareil législatif. Le rapport de force entre le président et l’opposition, déjà très tendu, pourrait alors évoluer vers une campagne électorale âpre, où chaque camp cherchera à affaiblir l’autre.
Les enjeux institutionnels et la suppression des organes consultatifs
Dans ce climat de confrontation, le débat sur la suppression du Haut Conseil des collectivités territoriales et du Conseil économique et social reste au cœur des enjeux. Transformées en coquilles vides, ces institutions ont vu leur rôle marginalisé par le gouvernement, et leur disparition semble désormais inéluctable. C’est en tout cas la promesse faite par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui a déclaré plus tôt dans la journée que ces institutions seraient de facto supprimées.
Cette décision divise profondément le paysage politique sénégalais. Pour le gouvernement, ces institutions représentent des poids budgétaires inutiles qui n’ont plus de raison d’être. En revanche, pour l’opposition, leur suppression est une attaque directe contre les mécanismes de concertation et de dialogue au sein de la République. Cette bataille symbolise les tensions profondes sur la manière de gérer les finances publiques dans un pays où les ressources économiques sont limitées.
Une crise politique qui pourrait s’aggraver
Le Sénégal, souvent considéré comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest, traverse une période de turbulences politiques. La confrontation entre l’exécutif et le législatif, exacerbée par la motion de censure et la dissolution imminente de l’Assemblée, pourrait avoir des répercussions durables sur l’équilibre des institutions. À mesure que les élections législatives anticipées se profilent, la bataille pour le contrôle du pouvoir ne fait que commencer.
Dans les jours à venir, l’attention sera tournée vers le président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement. La manière dont ils navigueront dans cette crise déterminera l’avenir politique du pays, et pourrait redéfinir les rapports de force entre les institutions. Une chose est certaine : le ton continue de monter entre l’exécutif et le législatif, avec des conséquences encore imprévisibles pour le Sénégal.