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Togo en ébullition : l’arrestation d’un rappeur pour ses critiques ravive les tensions politiques et enflamme tout le pays

Lomé, 06 juin 2025 – L’arrestation du rappeur Aamron, de son vrai nom Kodjo Akakpo, survenue fin mai, a mis le Togo sous tension. Figure emblématique de la contestation urbaine, il a été interpellé pour « incitation à la révolte » après une vidéo virulente critiquant la révision constitutionnelle. Ce geste du pouvoir a rapidement enflammé l’opinion, révélant le profond malaise d’un pays déjà fragilisé par des frustrations sociales et politiques anciennes.

Porte-voix des quartiers populaires, Aamron s’était imposé comme un artiste engagé, dénonçant régulièrement la corruption, le clientélisme et le népotisme du régime en place. Son arrestation, le 29 mai 2025, a provoqué une mobilisation immédiate : des sit-in spontanés ont été organisés devant les institutions publiques, tandis que les réseaux sociaux ont explosé sous les hashtags FreeAamron et TogoDebout. Cette vague d’indignation a rapidement traversé les frontières.

Le Collectif des artistes engagés du Togo a été rejoint par plusieurs figures de la scène musicale et culturelle africaine, venues du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire ou encore du Sénégal, qui ont exigé sa libération.

L’affaire Aamron s’inscrit dans un climat politique particulièrement tendu. En février 2025, le poète Affection avait lui aussi été emprisonné. En avril 2024, une révision constitutionnelle controversée avait ouvert la voie à un possible maintien au pouvoir à vie du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005. Ces événements ont nourri un sentiment d’injustice généralisé, notamment au sein de la jeunesse togolaise, qui représente plus de 60 % de la population.

Face à ce qu’ils perçoivent comme une confiscation du pouvoir et l’impasse démocratique, de nombreux jeunes se radicalisent. Le collectif citoyen « Togo Dignité » appelle désormais à une transition politique réelle, mettant en cause ce qu’il qualifie de « gouvernance dynastique ». Dans certains milieux militants, le ton se durcit et des appels à des actions plus déterminées émergent.

L’opposition politique, quant à elle, reste divisée. Tandis que certains partis dénoncent ouvertement la répression, d’autres adoptent une posture plus prudente, redoutant d’être assimilés à des mouvements qu’ils jugent trop radicaux. Cette fragmentation du camp contestataire affaiblit la portée des mobilisations et laisse le champ libre au pouvoir pour continuer sa stratégie de musellement.

Sur le plan international, la réaction a été particulièrement timide. Les chancelleries occidentales se sont contentées de rappeler leur attachement aux droits de l’homme, sans condamner explicitement la répression. L’Union africaine et la CEDEAO, quant à elles, observent un silence qui irrite la société civile togolaise. Ce mutisme est perçu comme une forme de complicité passive avec le régime.

Au-delà du cas Aamron, c’est tout un système qui semble remis en cause. La situation au Togo s’inscrit dans un contexte plus large de tensions en Afrique de l’Ouest, où plusieurs pays sont confrontés à des contestations populaires et à des aspirations démocratiques grandissantes. Lomé, aujourd’hui, pourrait devenir l’un des épicentres de cette vague de renouveau que réclame une jeunesse en quête de liberté, de justice et de dignité.

Une question persiste désormais, brutale et incontournable : dans le Togo d’aujourd’hui, peut-on encore critiquer le pouvoir sans finir en prison ?

Auteur

Firmin SOWANOU

Firmin SOWANOU

Directeur de Publication KAFOWEB

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