Le président français tente-t-il de peser sur l’élection du prochain pape ? C’est ce qu’affirment plusieurs journaux italiens qui n’hésitent pas à parler d’ingérence. La Verità, quotidien milanais, va jusqu’à titrer sans ambages que Macron “souhaite désigner lui-même le souverain pontife”. De son côté, Il Tempo ironise sur “l’ambition démesurée” du chef d’État français. À quelques jours du conclave prévu le 7 mai, ces publications accusent Emmanuel Macron de déployer une stratégie d’influence visant à favoriser l’élection de Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, au trône de saint Pierre.
Le journal conservateur Libero a particulièrement attaqué le président français lundi, l’accusant de “s’immiscer” dans un processus qui devrait rester strictement ecclésiastique. Selon cette publication, une telle manœuvre aurait un objectif géopolitique clair : “En plaçant son candidat préféré à la tête de l’Église catholique, le président français regagnerait immédiatement une stature internationale significative”. Le quotidien évoque également une supposée mise à l’écart de Macron par Donald Trump lors d’une récente rencontre avec le président ukrainien Zelensky dans l’enceinte même de la basilique Saint-Pierre.
Des rencontres qui alimentent les soupçons
Au cœur de cette polémique se trouvent deux événements diplomatiques survenus récemment à Rome. Selon les informations rapportées par la presse italienne, Emmanuel Macron aurait organisé un déjeuner à l’ambassade de France à Rome seulement cinq jours après le décès du pape François. Autour de la table se seraient trouvés quatre cardinaux français : Jean-Marc Aveline, considéré comme papabile (candidat potentiel), Christophe Pierre, représentant du Vatican aux États-Unis, l’ancien primat des Gaules Philippe Barbarin, ainsi que François Bustillo, évêque de Corse. D’après Il Tempo, le président aurait profité de cette occasion pour explorer les stratégies permettant de créer un consensus favorable à l’archevêque marseillais.
La veille de cette rencontre, un autre dîner aurait eu lieu entre le chef de l’État français et Andrea Riccardi, fondateur influent de la communauté de Sant’Egidio. Cette organisation catholique, reconnue pour son engagement contre la pauvreté mondiale et comptant près de 60 000 membres laïcs dans 74 pays, aurait exercé une influence considérable sur la diplomatie vaticane durant le pontificat de François, selon Le Monde. Cette proximité soudaine entre l’Élysée et des figures clés du monde catholique est interprétée par certains médias italiens comme une manifestation de la rivalité personnelle qu’entretiendrait Emmanuel Macron avec Giorgia Meloni, Première ministre italienne d’orientation conservatrice.
Contrairement aux désirs de Macron, Cardinal Robert Sarah est un candidat sérieux selon plusieurs observateurs.
Sarah, 79 ans, originaire de Guinée, ancienne responsable du bureau de liturgie du Vatican, a longtemps été considérée comme le meilleur espoir pour un pape africain. Très appréciée des conservateurs, Sarah marquait un retour aux pontificats doctrinaires et liturgiques de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Sarah, qui avait auparavant dirigé le bureau de charité du Vatican, Cor Unum, s’est heurtée à plusieurs reprises au pape François, notamment lorsque lui et Benoît XVI ont coécrit un livre prônant la « nécessité » du maintien du célibat pour les prêtres de rite latin. Ce livre est paru alors que François envisageait d’autoriser des prêtres mariés en Amazonie pour pallier la pénurie de prêtres dans ce pays. L’implication était que Sarah avait manipulé Benoît XVI pour qu’il prête son nom et son autorité morale à un livre qui semblait faire contrepoids à l’enseignement de François. François a limogé le secrétaire de Benoît XVI et, quelques mois plus tard, a mis Sarah à la retraite après ses 75 ans.
Un processus hermétique aux influences extérieures
Que les soupçons d’ingérence française soient fondés ou non, la réalité du conclave demeure inchangée : seuls les 135 cardinaux électeurs pénétreront dans la chapelle Sixtine le 7 mai prochain pour désigner, à l’abri des regards et des pressions extérieures, celui qui dirigera l’Église catholique dans les années à venir. La tradition séculaire du huis clos garantit théoriquement l’imperméabilité du processus aux influences politiques, fussent-elles françaises, italiennes ou d’ailleurs.
Le Vatican n’a pour l’instant émis aucun commentaire officiel concernant ces allégations d’ingérence, fidèle à sa tradition de discrétion absolue durant la période précédant l’élection d’un nouveau pape.