Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque lundi le résumé de l'actualité au Bénin et dans le monde.

Mali : Un second coup d’État au cœur du premier ?

pouvoir au mali

Le Mali traverse une période de turbulences politiques avec un développement surprenant : l’éviction de Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre civil de la transition, un an et demi après le second coup d’État militaire du 24 mai 2021. Cette décision, annoncée le 20 novembre 2024, marque un tournant dans la gestion du pays, où les militaires, désormais omniprésents, semblent reprendre fermement le contrôle de l’exécutif, écartant de plus en plus les figures civiles.

Retour sur une crise de gouvernance

Moins d’un an après le coup d’État de 2020, qui avait renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), un second putsch a écarté Bah N’Daw, le président de la transition, et ses alliés. Ce coup d’État, mené par le colonel Assimi Goïta, alors vice-président, a vu l’ascension du militaire comme leader du pays. Depuis, la transition n’a cessé d’être marquée par une succession de crises internes, exacerbées par des tensions politiques croissantes.

Le limogeage de Choguel Maïga, homme politique influent et ancien ingénieur, semble être une conséquence de cette instabilité. Nommé Premier ministre en juin 2021, il a occupé cette fonction pendant plus de trois ans. Cependant, son éviction laisse une multitude de questions en suspens quant aux véritables raisons de ce renversement.

Poussé à la sortie ?

Choguel Maïga, fervent défenseur du panafricanisme et de la souveraineté malienne, avait en effet forgé des liens stratégiques avec la Russie. Sa figure, jusque-là perçue comme un compromis entre le régime militaire et les aspirations civiles, semble désormais avoir perdu la confiance des militaires au pouvoir. En novembre 2024, après avoir critiqué publiquement la prolongation unilatérale de la transition, ainsi que le report des élections prévues pour février 2024, il a franchi un point de non-retour.

Sa sortie est précipitée après une prise de position face à ses partisans du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), un mouvement de plus en plus marginalisé. Malgré les tensions croissantes, Maïga avait jusque-là réussi à maintenir son rôle, mais cette fois, la junte a pris une mesure décisive : son éviction directe.

Une transition de plus en plus militarisée

Le général Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et proche du président Assimi Goïta, prend la relève en tant que Premier ministre. Ce remplacement reflète la consolidation du pouvoir militaire au détriment de l’influence des civils. Ce virage marque un écart par rapport à la dynamique civile-militaire de la transition, et l’on pourrait se demander si ce choix n’est pas un signal plus large de l’intention de la junte de renforcer sa mainmise sur le pays.

Choguel Maïga, qui avait souvent été vu comme un « vernis civil » nécessaire pour rassurer la communauté internationale, pourrait désormais devenir une figure emblématique de l’opposition. Ses critiques ouvertes contre la prolongation de la transition ont révélé une fracture irréparable avec les militaires, et son éviction directe en réponse à ses propos pourrait signaler que toute forme de dissidence est désormais perçue comme une menace à l’ordre établi.

Le coût d’une révolution sans fin

L’éviction de Choguel Maïga souligne l’ambiguïté de la transition malienne. Si la junte s’était initialement présentée comme un remède aux échecs du régime précédent, elle semble aujourd’hui fermer progressivement les portes aux civils et marginaliser ceux qui défendent un retour à un régime démocratique. En suivant une logique autoritaire, les militaires semblent prêts à sacrifier même leurs alliés pour maintenir leur pouvoir, un phénomène que l’histoire a souvent montré sous des régimes révolutionnaires. En effet, comme l’a dit Pierre Victurnien Vergniaud : « La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants. »

Avec ce coup supplémentaire porté au processus de transition, le Mali semble s’enfoncer dans une spirale où les ambitions militaires se heurtent aux aspirations démocratiques, plongeant ainsi le pays dans une incertitude politique profonde.

Auteur

Firmin SOWANOU

Firmin SOWANOU

Directeur de publication KAFOWEB !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partager l'article:

Facebook
Twitter
LinkedIn
Telegram
WhatsApp
Reddit

Articles relatifs