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Togo : Faure Gnassingbé devient Premier Président du Conseil et prend la tête du nouveau régime parlementaire de la Ve République

Un parlementarisme à l’africaine : quand les dirigeants changent les règles sans jamais quitter le pouvoir

Le 3 mai 2025, le Togo a officiellement inauguré sa Ve République. Une date qualifiée d’historique par les autorités, mais qui suscite plus d’interrogations que d’enthousiasme dans une partie de l’opinion publique. Le pays adopte un régime parlementaire, rompant formellement avec le système présidentialiste en vigueur depuis l’indépendance. À la tête de cette nouvelle architecture institutionnelle, un visage bien connu : Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, désormais investi comme Premier Président du Conseil, poste désormais au sommet de l’exécutif.

Un changement de régime… sans changement de pouvoir

La réforme constitutionnelle votée en 2024 a redessiné le paysage institutionnel du Togo. Le Président du Conseil devient le chef du gouvernement, détenteur de vastes pouvoirs : il conduit la politique nationale, préside les conseils des ministres, nomme aux postes civils et militaires, dirige la diplomatie, exerce le pouvoir réglementaire, peut dissoudre l’Assemblée nationale, initie les lois, et reste chef des armées.

En clair, Faure Gnassingbé concentre aujourd’hui plus de pouvoir que dans l’ancien régime présidentialiste. Il est à la fois Premier ministre, commandant en chef, chef de la majorité parlementaire et pilote de la diplomatie. Le nouveau Président de la République, que le Congrès devait élire dans la foulée, n’a qu’un rôle honorifique.

Un héritier politique maître de son destin

Faure Gnassingbé n’est pas un président comme les autres. Héritier de son père, Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 38 ans, il s’est installé au pouvoir en 2005 dans un climat de crise et de contestation, avec déjà plus de 20 ans de règne à son actif aujourd’hui.

Ce changement de régime est perçu par de nombreux observateurs comme un tour de force juridique et politique. En changeant les règles du jeu sans quitter la scène, il s’inscrit dans la lignée des chefs d’État africains qui adaptent les institutions à leur survie politique, et non l’inverse.

Un modèle parlementaire inédit… et controversé

Le Togo devient ainsi le premier pays d’Afrique de l’Ouest francophone à adopter un régime parlementaire intégral. Une révolution institutionnelle sur le papier, mais qui, dans la pratique, suscite scepticisme et méfiance. Si le parlementarisme est censé favoriser une gouvernance plus équilibrée et transparente, les conditions dans lesquelles cette transition a été menée posent problème.

Le processus a été largement critiqué pour son caractère technocratique, opaque et excluant. Les partis d’opposition ont dénoncé un verrouillage du débat public, une absence de consultation populaire et un passage en force parlementaire orchestré par le pouvoir en place. Le peuple togolais, pour sa part, a souvent découvert les contours du nouveau système au fil des annonces officielles, sans y être réellement associé.

Un syndrome africain : le pouvoir avant les principes

Ce cas togolais n’est pas isolé. Il révèle une dynamique plus large sur le continent : celle des régimes qui changent d’apparence sans changer de nature. On parle de “démocraties de façade”, où les réformes institutionnelles servent d’abord à prolonger le pouvoir en place, quitte à en modifier le nom et la structure.

Dans plusieurs pays africains, les constitutions sont devenues des instruments de reconduction des dirigeants, et non des garantes de l’alternance. La transition togolaise vers le parlementarisme s’inscrit ainsi dans une logique déjà observée ailleurs : remodeler les institutions pour mieux contrôler le jeu démocratique, et non pour le libérer.

Une Ve République en trompe-l’œil ?

En théorie, la Ve République devrait marquer un tournant vers plus de pluralisme et de séparation des pouvoirs. Mais dans les faits, elle risque de n’être qu’une nouvelle étape dans la concentration du pouvoir autour de Faure Gnassingbé. Les défis restent nombreux : déficit de confiance, absence de contre-pouvoirs solides, faiblesse de la société civile, et exclusion de la jeunesse du débat public.

Les Togolais devront donc attendre pour savoir si ce “parlementarisme à l’africaine” apportera réellement un changement de gouvernance, ou s’il ne s’agit que d’une manœuvre sophistiquée pour maintenir un statu quo de plus en plus critiqué.

Auteur

Firmin SOWANOU

Firmin SOWANOU

Directeur de Publication KAFOWEB

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